Joseph Le Bihan, lors de la présentation de ses travaux de recherche aux Journées Nationales 
du PhotoVoltaïque (JNPV) en décembre 2024.

Les besoins grandissants

du photovoltaïque

Au sein du Laboratoire interdisciplinaire des Energies de Demain (LIED, CNRS/Univ. Paris Cité), une série de travaux aborde les besoins concrets en matériaux pour développer le photovoltaïque. Les différents scénarios aboutissent tous à la nécessité recycler davantage les métaux, y compris ceux qui ne sont actuellement pas considérés comme stratégiques, comme le cuivre ou l’aluminium.

Par Martin Koppe

Bien qu’elle vise à mieux utiliser les ressources naturelles, la transition écologique en a elle-même besoin. Les métaux sont par exemple essentiels à la construction d’un parc éolien et photovoltaïque à la hauteur des ambitions fixés pour répondre aux enjeux climatiques. José Halloy, professeur à l’université Paris Cité et membre du Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain (LIED, CNRS/Univ. Paris Cité), qu’il a cofondé en 2013, place ces questions au cœur de sa recherche.

« Nous avons créé le LIED afin d’aborder la transition énergétique de manière transdisciplinaire, alliant les sciences naturelles et techniques aux sciences humaines et sociales, décrit José Halloy. Cela nous permet par exemple d’étudier la problématique des matériaux critiques aussi bien sous l’angle des flux physiques que de la géopolitique. Alors que les stocks physiques diminuent, la demande continue d’augmenter, y compris pour assurer la transition écologique et tandis que les pays en développement sont en pleine phase de construction d’infrastructures. Nous en concluons, que, même à court terme, le recyclage massif des matériaux sera nécessaire pour atteindre ces objectifs. »

José Halloy estime ainsi la quantité de matériaux requise, à l’échelle planétaire, pour faire fonctionner les systèmes techniques et de production d’énergie. Il a notamment mis en évidence qu’il était plus utile de considérer l’énergie en termes de puissance plutôt que de quantité. Certains secteurs, comme la métallurgie, ont en effet besoin d’une grande puissance pour allumer et maintenir des infrastructures telles que des hauts fourneaux. L’éolien et le photovoltaïque ne sont pas capables d’offrir des pics aussi forts et aussi brefs, malgré la quantité d’énergie qu’ils peuvent fournir. C’est pourquoi José Halloy insiste sur cette distinction, plus conforme aux usages concrets.

Joseph Le Bihan : « Long-term renewal of world PV capacity » – Présentation aux JNPV 2024

Son équipe a récemment œuvré sur les contraintes de la filière photovoltaïque. Trois articles scientifiques sont en cours de parution, tous issus des travaux de thèse de Joseph Le Bihan, qui réalise son doctorat au LIED. Sa problématique traite de l’évaluation des besoins réels en matériaux pour réaliser différents scénarios fournis par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) sur les perspectives du photovoltaïque.

« Sa principale conclusion est que le recyclage sera nécessaire, y compris pour des matériaux qui ne sont généralement pas considérés comme rares ou exotiques, explique José Halloy. Prenons le cuivre par exemple. Si ce dernier est produit par millions de tonnes chaque année, la demande va finir par poser la question de son approvisionnement. C’est un cas fascinant, car le cuivre est facile à réutiliser : il est parfois même plus intéressant de le recycler que de l’extraire. Mais pour généraliser cela, il faudra amener toute une industrie du recyclage du cuivre à maturité d’ici à l’horizon 2050-2060, notamment pour récupérer le cuivre déjà présent dans les panneaux solaires en fin de vie. »

Le recyclage sera nécessaire, y compris pour des matériaux qui ne sont généralement pas considérés comme rares ou exotiques.

De la même manière, le développement des centrales photovoltaïque doit prendre en compte le renouvellement de celles déjà en place et qui s’usent comme n’importe quelle infrastructure. « Ces modèles montrent des choses contre-intuitives, comme le fait que la montée vers la capacité énergétique voulue n’a rien de monotone », poursuit José Halloy. En cause le forçage, la nécessité de produire de nouveaux équipements en prévision de la fin de vie des équipements actuels.

Ces travaux sur les flux de matière et d’énergie sont couplés avec des analyses géopolitiques menées avec Florian Vidal et la thèse de Thomas Lapi sur les métaux stratégiques, également au LIED. Ses recherches se concentrent sur les industries de recyclage des métaux critiques dans les pays nordiques. Pour l’instant, ces pays concentrent leurs efforts sur les métaux des batteries avec des succès contrastés, notamment en raison de certaines difficultés structurelles au niveau européen, marquées par un accroissement de la rivalité sino-américaine. Un premier article de géopolitique a été soumis à une revue scientifique et deux autres sont en cours de parution sur les pays nordiques. L’objectif de ces travaux est de tirer les enseignements du cas nordique pour favoriser l’émergence de futures filières de recyclage en France.

Ces études vont également alimenter le projet Métaux stratégiques du PEPR. Ce projet traite du recyclage des métaux de l’électronique et des aimants permanents. Les chercheurs du LIED souhaitent y développer la question de la transition par l’éolien et le photovoltaïque, ainsi que le recyclage des batteries, notamment à partir du cas nordique, ce qui fait le lien avec ce secteur du PEPR Recyclage et des liens avec le PEPR TASE sur les renouvelables. « Sans le recyclage, notamment des métaux, il sera difficile d’atteindre nos objectifs de transition écologique », prévient José Halloy.

Les différents scénarios technologiques et socio-économiques donnent l’impression qu’une fois la transition énergétique effectuée, on est tranquille. Mais il faut se rendre compte que ce n’est pas juste une étape qui se termine en 2050, c’est un objectif qui implique des enjeux sur le long terme. Entretenir et maintenir un système énergétique reposant sur des technologies renouvelables est un défi important dont on n’a pas encore considéré toute la mesure

Joseph Le Bihan, lors de la présentation de ses travaux de recherche aux Journées Nationales du PhotoVoltaïque (JNPV) en décembre 2024.


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